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Pour des loyers justes, pas des profits injustes

Lancée par l’ASLOCA, l’initiative sur les loyers veut plafonner les rendements des bailleurs et rétablir le principe du loyer basé sur les coûts. Une réponse à une crise qui touche des millions de locataires.

Une logique de profits

Dans les grandes villes de Suisse, se loger est devenu un luxe. Alors que 60 % de la population loue son logement, les loyers explosent : + 25 % d’augmentation en vingt ans, sans rapport avec l’évolution des salaires dans le même laps de temps. Aujourd’hui, des milliers de ménages doivent économiser sur d’autres besoins essentiels comme l’alimentation, la santé et les loisirs pour pouvoir payer leur loyer.

Le droit suisse (art. 269 CO) prévoit pourtant déjà que les loyers doivent être basés sur les coûts effectifs qu’ils engendrent pour leur bailleur, moyennant un rendement raisonnable pour celui-ci. Comment expliquer que cet article ne semble avoir aucun effet, au vu des prix actuels des logements ? Toute la charge de contrôle repose aujourd’hui sur les locataires. Sur les 240 000 nouveaux baux signés chaque année, moins de 0,5 % fait l’objet d’une contestation du loyer initial ; tous les autres entrent en force et ne peuvent plus faire l’objet d’une réévaluation.

Les travaux de grande ampleur, notamment les rénovations énergétiques, entraînent souvent des hausses massives de loyer, transformant des immeubles populaires peu ou pas entretenus en résidences labellisées Minergie hors de prix. Le logement, besoin humain fondamental, est devenu un « objet de rendement » comme un autre entre les mains d’acteurs financiers dont le but affiché est de maximiser les profits. En quelque vingt ans, les propriétaires individuels, majoritaires encore dans les années 2000, ont rapidement cédé la place à des investisseurs institutionnels et à leurs actionnaires (banques, assurances, SA, caisses de pension, etc.). En 2023, les sociétés immobilières détenaient 44,2 % des logements locatifs contre 31,3 % en 2000… et ce chiffre ne fait qu’augmenter.

Une initiative de justice sociale : pour un contrôle régulier et automatique des loyers

En réponse à cette crise, les partis bourgeois n’ont qu’un seul mot à la bouche. Il faut construire le plus possible, partout et faire tomber les barrières législatives qui pourraient s’y opposer. Le logement ne peut et ne doit pourtant pas être considéré selon une logique d’offre et de demande. De la même manière qu’il faut lutter contre la spéculation alimentaire et la privatisation de nos besoins fondamentaux, il faut inverser la tendance et faire entrer dans les têtes qu’un manque de logements vacants ne devrait avoir aucune incidence sur le prix des loyers. C’est précisément ce que vise l’ASLOCA Suisse avec l’initiative populaire publiée dans ce numéro. Le texte est simple, il vise à remettre au centre du discours politique le fait que les loyers doivent être basés sur les coûts effectifs et que seul le rendement prévu par la loi peut être admissible : tout le reste est abus sur le dos des locataires. Afin que cela ne reste pas qu’un vœu pieux, il faut instaurer un contrôle étatique automatique et régulier des loyers, ce qui s’est déjà fait par le passé.

En rétablissant le lien entre loyers et coûts réels, l’initiative mettrait fin à un cercle vicieux : plus les loyers augmentent, plus les terrains se vendent cher, excluant du marché les coopératives, les particuliers et les communes. L’initiative remettrait simplement le logement à sa juste place : non pas une marchandise, mais un droit fondamental.

Julie Huguenin-Dumittan
Secrétaire générale de l’ASLOCA neuchâteloise

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